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Sortir de l' Alcoolisme . Le Baclofène

LE BACLOFENE, MOLECULE MIRACLE POUR GUERIR L'ALCOOLISME?

En France, des centaines d’alcooliques ont recours à un médicament pour sortir de la dépendance, le baclofène. Un décontractant musculaire prescrit sous le manteau depuis que le Pr Olivier Ameisen a publié Le dernier verre, livre témoignage dans lequel il explique comment il s’est sorti de l’alcoolisme grâce au baclofène.

Marion*, 41 ans : « Un horizon s’ouvrait »

J’ai toujours eu un problème avec l’alcool. Quand je buvais, je buvais trop. Mais, la vraie chute a été quand j’ai commencé à boire toute seule chez moi. Depuis cinq ans, ce comportement allait crescendo.
Coïncidence, c’est au moment où j’ai entamé des démarches pour me soigner que j’ai entendu parler du baclofène. J’en étais arrivée à un point où je me sentais en danger à cause de ma consommation, j’avais peur qu’il m’arrive un accident. En catastrophe, je m’étais rendue chez les Alcooliques anonymes. Mais leur discours sur le «vous devez avant tout comprendre pourquoi vous buvez» m’a découragé de continuer. Parce que je savais très bien, moi, pourquoi je buvais...
L’effet anxiolytique du baclofène s’est fait sentir assez vite. Ma consommation a baissé de moitié dès les premiers temps. Le ressenti était incroyable. J’avais surtout l’impression d’avoir les idées plus claires. Un horizon s’ouvrait. Toutefois, parvenue à une dose journalière de 90 mg, j’ai ressenti beaucoup de fatigue et j’ai eu l’impression de retomber dans la déprime. Ces effets secondaires se sont estompés une fois atteint le pallier des 150 mg auquel je suis depuis quelques mois.
Contrairement à certains, je n’éprouve pas une totale indifférence vis à vis de l’alcool. Je consomme toujours deux verres par jour. C’est «ma petite récompense du soir». Mais ce n’est plus lié à un besoin comme c’était le cas auparavant. Je vais vraiment beaucoup, beaucoup mieux.

* Certains témoins souhaitent rester anonymes, leur nom de famille n'est donc pas donné.

Claire, 39 ans : « je n’ai plus ce sentiment permanent que je vais mourir jeune »

L’alcool, je n’ai jamais connu que ça. Mon dernier souvenir d’une famille unie remonte à mes cinq ans. Mes parents étaient alcooliques. Mon père a plongé ma mère dans l’alcool. Il est mort lorsque j’avais 16 ans. Ma mère quand j’en ai eu 18.
Lorsque j’ai commencé mes études, je me suis rendu compte que j’étais très fragile par rapport à la boisson. J’en avais besoin pour m’amuser et me calmer.
De 26 à 31 ans, lorsque j’étais avec le père de mes enfants, j’ai tenu la bouteille loin de moi. Mais je savais que le mal continuait de me ronger de l’intérieur. Même si c’était rare, je saisissais la moindre occasion qui se présentait pour me saouler.
Lorsque je me suis séparée de mon compagnon, j’ai replongé dans l’alcool. Ça a duré 8 ans. J’ai toujours veillé à garder «l’église au milieu du village» comme on dit chez moi. Mes enfants ne réalisaient pas que je buvais alors que ma consommation était énorme : 3 litres de vin ou de bière tous les jours. L’été 2009 fut horrible. Je me suis fait traiter d’alcoolique, j’étais au bout du rouleau. Me regarder dans la glace m’était devenu impossible.
En septembre de cette année, une voisine m’a fait parvenir un article sur le baclofène. Pour cela, je la remercierai toute ma vie.
Comme j’étais en pleine dépression, mon médecin n’a pas voulu aller au delà de 80 mg/jr. Mais c’était insuffisant. J’ai du trouver un second médecin qui accepte d’aller plus haut dans la posologie. Dans mon cas, il a fallu monter jusqu’à 200 mg pour parvenir à un stade proche de l’indifférence. Les effets secondaires furent assez durs à endurer. J’ai notamment eu beaucoup de sudations nocturnes ainsi que des acouphènes.
Depuis, j’ai baissé progressivement les doses. J’en suis aujourd’hui à 100 mg. Je peux passer trois ou quatre jours sans boire et ça c’est génial ! Je suis plus dynamique, plus sereine par rapport à beaucoup de choses.
Pour moi, par rapport à mon histoire personnelle, le fait de me sentir sortir de l’alcool, ce fut comme si je naissais. L’impression de me débarrasser de quelque chose dans lequel j’avais toujours baigné. Aujourd’hui, je n’ai plus ce sentiment permanent que je vais mourir jeune et que je suis destinée à abandonner mes enfants.



Franck Hanrion, 38 ans : « montrer que l’addiction est une maladie »

Jusqu’à 30 ans, l’alcool ne m’intéressait pas. A cette période, j’ai commencé à construire ma maison, ce qui m’a rendu très angoissé. Et l’alcool tuait mon angoisse. En 6 mois, j’ai plongé et je suis devenu totalement alcoolique. Dès le matin, 6h30, je buvais de grandes bières fortes. Une dizaine dans la journée. Le soir, c’était le flacon de rhum. Ça, c’était le quotidien. Les jours où il y avait dérapage, c’était sans limite.
Ma première cure, je l’ai faite à 33 ans. Un sevrage abrupt et brutal. A la sortie, je suis resté abstinent deux mois. Avant de rentrer en cure, on pense à l’alcool tous les jours. Après en être sorti, on pense à l’alcool tous les jours... La différence, c’est qu’aux yeux de mon entourage, je n’étais plus censé boire. Je me mettais donc dans des situations impossibles, à boire du synthol ou de l’alcool ménager. J’ai tellement forcé qu’en février 2007, j’ai fait une pancréatite aiguë.
Pour m’aider, on m’a prescrit des antipsychotiques, des benzodiazépines. Au bout de deux mois, il m’en fallait deux fois plus. Je crois que ces produits sont encore pires que l’alcool.
Par la suite, j’ai refait une cure. Quand j’en suis sorti, j’étais sevré de l’alcool mais totalement dépendant des médicaments...
En février 2009, j’ai lu le livre d’Olivier Ameisen (Le dernier verre). A l’évidence, il savait de quoi il parlait. Son parcours recoupait le mien. Mon généraliste a refusé de me prescrire du baclofène. J’ai trouvé un alcoologue dans ma région qui, lui, n’a été bon qu’à m’orienter vers une association d’anciens toxicomanes qui m’ont proposé du subutex [produit de substitution aux opiacés, ndlr].
En désespoir de cause, je me suis par conséquent débrouillé tout seul pour trouver du baclofène via internet. J’ai démarré mon protocole en montant les doses progressivement, la peur au ventre. J’ai du arriver à 200 mg un dimanche. Le lendemain lundi, j’ai raté l’heure d’ouverture de la pharmacie, chose impensable d’habitude où le manque me poussait à  faire le pied de grue devant le rideau de fer en attendant que l’on me donne ma dose de médicaments journalière.
J’ai ressenti quelques effets secondaires désagréables avec le baclofène, notamment une très grande fatigue physique, mais j’étais tellement habitué aux effets secondaires de l’alcool et des médicaments que je les ai très bien vécus. Au début, j’ai eu beaucoup de mal à croire que mon addiction avait reculé. Ce fut encore plus l’incrédulité du côté de mon entourage. Il leur a fallu une année entière pour réaliser que je n’avais plus le «vice dans la peau». Clairement, l’arrivée du baclofène a permis de montrer que l’addiction est une maladie puisque ça régresse sous médicaments. Je n’y croyais tellement pas que j’ai ressenti le besoin d’ouvrir un site pour témoigner et pouvoir, à mon tour aider les gens. (http://www.drogues-et-baclofene.com)

 

Pour en savoir plus :

Le dernier verre, Olivier Ameisen, novembre 2008, Editions Denoël.
Lire aussi Sciences et Avenir n°743 (janvier 2009) : Le baclofène guérit-il de l’alcoolisme ?

Les sites:
www.alcool-et-baclofene.fr
www.drogues-et-baclofene.com

 

Dominique, 51 ans : chaque jour la même question : boire ou ne pas boire

Je ne suis pas une alcoolique de longue date. Je n’ai commencé qu’il y a une dizaine d’années. Un jour, on m’a offert une bière qui m’a procuré une détente agréable et nouvelle. Au fil du temps, la bière est devenue envahissante et j’en suis arrivée à un stade de 3 ou 4 bières tous les soirs. Je n’ai jamais été dans le déni, j’ai toujours su que j’avais un petit problème avec l’alcool. Que ce soit 3 bières ou 2 litres de vin, on peut être alcoolique de la même manière. Dans un cas comme dans l’autre, ne pas boire n’est pas envisageable.
J’ai commencé le traitement avec le baclofène le premier avril 2010. Par chance, j’avais un ami psychiatre qui a accepté de m’en délivrer. Mais il n’avait aucune connaissance du protocole à suivre. Dans l’ignorance, j’ai commencé à augmenter les doses très vite. Trop vite. Je ne parvenais plus à dormir, les effets secondaires m’ont un peu effrayée. Au mois de novembre, découragée, j’avais décidé d’arrêter.
Et puis par la grâce d’un oubli qui s’est révélé très heureux, j’en suis arrivée à diminuer mes doses par deux et m’en suis trouvée de suite beaucoup mieux. Depuis un mois, je suis à 20mg/jr et ma consommation d’alcool est tombée à un niveau raisonnable. Chaque jour, je me repose la même question de boire ou de ne pas boire. Comme Bartleby, le héros du roman d’Herman Melville «je pourrais ne pas...» mais pour l’instant je ne parviens pas à me passer de ce verre...
Mon parcours avec ce médicament est emblématique de la difficulté vécue par beaucoup de malades face à l’ignorance par leur médecin du protocole à suivre. Toute la problématique est de trouver la bonne dose.

 

Marie-France, 40 ans : « la drogue était mon incendie et le baclofène fut l’extincteur »

Mon problème n’a jamais été l’alcool mais l’héroïne. D’abord en la sniffant puis en me l’injectant et ce fut alors le début de la chute. J’ai vite vu que je me détruisais et j’ai essayé tous les traitements pour m’en sortir. Grâce à la méthadone, j’ai eu des périodes de non-consommation. Mais dès que le stress s’accumulait, rien à faire, je retombais dans l’héroïne. Quand je suis arrivée chez le docteur qui m’a mise sous baclofène, j’étais à bout, je n’en pouvais plus, je pleurais constamment. J’avais un mari, un travail. J’avais tout pour aller bien mais pourtant, je n’arrivais pas à me passer de l’héroïne.
Cela fait maintenant 8 mois que je suis sous baclofène. A une dose de 100 mg par jour. Comme le dit mon docteur, la drogue était mon incendie et le baclofène fut l’extincteur qui m’a permis de l’éteindre, en tout cas de l’étouffer.
Le prendre tout le temps, peut-être à vie, ne me soucie pas plus que cela. Qu’est-ce qui est le plus dommageable par rapport à la souffrance que la drogue ou que l’alcool vous apportent? Mon médecin généraliste, lui, n’est toujours pas convaincu. Ce qui m’oblige à faire deux heures de route pour me rendre chez le médecin qui accepte de m’en prescrire. Parce que c’est par moi-même, en fouillant sur Internet que j’ai réussi à trouver de l’aide.

 

Gérard, 63 ans : « Ce fut une grosse déception»

Je ne bois que le soir, du vin, depuis trente ans. J’ai toujours eu une incapacité à contrôler ma consommation. Le vin a toujours été mon anxiolytique, mon somnifère. Depuis 6 ans que je suis célibataire, je suis passé d’une consommation de 3/4 de bouteille de vin à une ou deux par soir avec une difficulté de plus en plus prononcée à ne pas pouvoir m’empêcher de consommer.
J’ai fait dix ans de thérapies diverses et variées mais ça ne m’a jamais rien apporté. J’ai essayé des médicaments officiels, comme l’aotal. Ca me donnait des migraines et je n’ai jamais remarqué la moindre efficacité.
Lorsque j’ai lu le livre d’Olivier Ameisen cet été, je me suis dit, c’est génial, j’ai enfin trouvé mon remède. J’ai trouvé un médecin prescripteur et j’ai commencé à en prendre. Après une dizaine de jours à 30 mg, puis une quinzaine à 60 mg, je commençais à moins me préoccuper de ce que j’allais boire le soir que de ce que j’allais manger. Ma consommation était descendue à une 1/2 bouteille.
Je suis alors passé à 90 mg/jour. J’avais quelques effets secondaires, des vertiges, un peu de somnolence mais c’était supportable. Juste avant Noël, je suis passé à 120 mg et là, ce fut l’horreur! J’ai commencé à avoir des crises de vertige de plusieurs minutes, plusieurs fois par heure. Ainsi que des crises de somnolence subites. Même en voiture ou au travail, c’était effarant. Surtout, mon sommeil était devenu très agité. Des cauchemars me réveillaient en sursaut toutes les dix minutes, mes jambes s’agitaient de soubresauts incoercibles.
Voilà deux semaines, le 5 janvier, j’ai décidé d’arrêter. Brutalement. Les effets secondaires ont disparu en deux jours. Mon sommeil est redevenu habituel.
Ce fut une grosse déception. Il me reste encore quelques boîtes. Je pense remonter à une dose de 60mg/jour parce qu’il est vrai que ces deux derniers mois, j’ai bu le quart de ma consommation habituelle et que, très clairement, je pensais beaucoup moins à l’alcool. Là, je vois bien que ma consommation de vin recommence à augmenter et que je rechute doucement dans mes excès.

 

Yves Brasey, 56 ans : « Olivier Ameisen a fait une grande découverte »

J’ai travaillé trente six ans dans l’informatique et j’ai monté mon entreprise, la menant de trois à cent quinze personnes. Dans mon travail, j’ai toujours été à cent à l’heure, toujours au feu. Des journées de travail de douze heures, six jours par semaine. Et, au milieu de tout ça, l’alcool. J’ai longtemps été dans le déni, il m’a fallu du temps, l’aide de ma compagne et le soutien de mes amis pour que je réalise que j’étais alcoolique.
Que je réalise qu’il existait un traitement contre l’alcoolisme m’a aidé à sortir du déni et m’a fait réaliser que j’étais malade. Que l’on puisse se débarrasser de l’alcoolisme sans avoir besoin pour autant de faire une croix sur l’alcool m’a interpellé tout autant.
Un ami cardiologue m’a fait une ordonnance, j’ai lu Le dernier verre et je me suis lancé en février 2010, tout seul parce que mon ami prescripteur n’avait aucune idée de la posologie à appliquer. Fort de mes connaissances en informatique, j’ai mis au point un algorithme de prescription du baclofène permettant de maximiser les effets du produit et d’échelonner les prises le plus efficacement possible. J’ai eu des effets secondaires, comme tout le monde, et suis arrivé assez vite à ma dose seuil de 130 mg. Maintenant, en semaine, je peux ne plus rien boire du tout, faire un excès le week-end mais ça n’ira pas plus loin.
J’estime que le professeur Olivier Ameisen a fait une grande découverte. Comme tous les alcooliques qui ont lu son livre et s’en sont sortis, je me sens redevable envers lui. Ainsi que la loi me le permet dans le cadre d'une procédure d'initiative citoyenne, je considère qu'il devrait bénéficier d'une nomination dans l'Ordre National du Mérite. Son département de résidence est le "75", je vais donc adresser au Préfet de Paris une requête dûment motivée et argumentée. Cette proposition devra-t-être soutenue par 50 parisien(ne)s qu'il me faudra trouver du fond de ma campagne stéphanoise ! Ou peut-être via le site de Sciences et Avenir...

 

Patrick, 49 ans : « Ça m’a changé la vie »

A 25 ans, j’ai tué quelqu’un dans un très grave accident de voiture. C’est à partir de ce moment que j’ai commencé à boire pour l’effet anxiolytique que ça me procurait. Je n’étais pas du tout angoissé avant cet accident mais il faut croire que je n’étais pas fait pour tuer des gens, moi...
Je buvais une bouteille de whisky par jour. J’ai fait une dizaine de cures pour tenter de m’en sortir. Durant la cure, on se retrouve dans un cocon pendant 3, 4 ou 5 semaines. C’est assez facile de ne pas boire durant cette période. Mais lorsque vous sortez, il suffit de la moindre anxiété pour que la pulsion de boire vous reprenne. Vous pouvez dépenser une énergie phénoménale parce que vous y pensez alors tout le temps. C’est une obsession impossible à combattre. On a beau avoir toute la volonté du monde, il est très dur de la faire tenir sur une longue période. Après ma première cure, en 1989, deux ans après mon accident et mon naufrage dans l’alcool, je suis resté quatre ans sans boire. On se croit alors plus fort que tout «Qu’est-ce qui m’empêche de reprendre un verre ?» se demande-t-on un jour. Ce verre, on le boit et...on retombe. Par la suite, c’est beaucoup plus dur de tenir. Ma cure la plus courte aura duré une heure...
J’ai commencé le baclofène fin décembre 2010. Durant la montée en posologie, j’ai eu quelques effets secondaires, un peu de somnolence, mais rien d’insurmontable. Ma consommation s’est mise à baisser naturellement jusqu’à ce que la pulsion disparaisse. Depuis, il m’est arrivé de reboire : avec un bon camembert, j’ai pris un verre de rouge mais sans plus. A Noël, je n’ai même pas pris une seule coupe de champagne. Ca faisait 25 ans que je courais après ça. Ça m’a changé la vie.

Au début, j’ai eu beaucoup de mal à croire que mon addiction avait reculé. Ce fut encore plus l’incrédulité du côté de mon entourage. Il leur a fallu une année entière pour réaliser que je n’avais plus le "vice dans la peau".

 

Claudine, 67 ans : « endurer les effets secondaires du médicament »

Au milieu des années 80, j’ai eu une longue période de chômage et de solitude qui m’a entraînée dans l’alcool. Je ne suis jamais ivre, mais je bois régulièrement, environ 2 bouteilles de blanc par jour, et à mon âge et avec une santé déclinante, j’aimerais bien me débarrasser de cette mauvaise habitude.
J’ai fait de nombreuses tentatives pour arrêter, de la psychanalyse, des thérapies comportementales, il y a eut quelques progrès mais jamais rien de définitif.
J’espérais beaucoup du baclofène. Pouvoir s’affranchir de l’alcool sans effort ou sans trop souffrir, c’est attirant. Mon problème, c’est que je n’ai aucune volonté. Pour moi, l’alcool est un élément plaisir. Je viens d’une famille de bons vivants. L’alcool est un élément indispensable à un repas réussi. Je me sens punie si je fais un repas à l’eau. Ce que je voudrais c’est être capable de descendre à 2 verres par jour. L’abstinence totale me fait peur, je la ressens comme une punition.
J’ai entamé le baclofène peu avant les vacances d’été 2010. J’en ai pris durant 3 ou 4 mois mais je n’ai jamais pu atteindre le bon dosage. Chaque fois que je m’en sentais proche, j’éprouvais des effets secondaires très désagréables. Des nausées, des vertiges. Je me réveillais en pleine nuit, totalement désorientée. J’avais le sentiment que ma vigilance était émoussée, je me sentais en danger quand je marchais en ville. De plus, ça n’a pas affaibli mon envie de consommer, je suis restée la même.
D’un commun accord avec mon médecin, on a décidé d’arrêter le baclofène et il est question que je fasse une cure de sevrage. Mais je n’ai pas tellement d’espoir qu’elle réussisse car je sais très bien que je peux m’arrêter de boire pendant trois semaines sans que ça me manque. Ca a été le cas lorsque j’ai été hospitalisée pour une fracture du tendon d’Achille.
Peut-être faudrait-il que je change de médecin prescripteur car je sais que le mien est très réticent au baclofène et je me suis bien rendu compte que son manque de motivation ne m’a pas encouragée à endurer les effets secondaires de ce médicament.

 

Pascal Gramme, 38 ans : « j’ai arrêté la codéine du jour au lendemain »

Depuis tout gamin, j’étais en proie à des anxiétés assez prononcées. Mais, je n’en parlais pas. J’étais né avec, je vivais avec. C’est en 1993 que j’ai goûté pour la première fois à la codéine. Et ce fut une véritable révélation. Je me suis senti bien, moi-même. J’en ai pris de manière sporadique durant 4 ans, jusqu’à un accident de voiture dont les complications m’ont amené à en prendre de plus en plus.
Quand je n’avais pas de codéine, je buvais, mais l’alcool n’a jamais été ma tasse de thé, si j’ose dire. Seule la codéine parvenait à calmer mes angoisses.
J’usais de plein de subterfuges pour m’en procurer. Je suis belge et depuis 2001, la codéine n’est plus délivrée gratuitement. Comme j’habite près de la frontière française, j’allais chercher mes 45 boîtes de codoliprane par semaine. A la même pharmacie qui ne s’étonnait de rien... Quand on se trouve en plein « craving », on ferait n’importe quoi. Lorsque la pulsion vous prend, vous ne pensez qu’au produit. Mon gamin me parlait, je ne l’entendais pas. Je n’avais aucun contrôle sur mon état de manque. Physiquement et psychologiquement, cela revient à lutter contre quelque chose de bien plus fort que soi. Telle que je l’ai vécue, l’addiction est une maladie à part entière où la volonté n’a que peu de prises. Je vois mal quelqu’un guérir d’un cancer avec de la volonté...
Tout ce que les médecins ont su faire, c’est de me soigner à coup de benzodiazépines et d’antidépresseurs. Je n’avais pourtant pas l’impression d’être dépressif. Je voulais juste que le craving cesse.
Toute cette errance a duré jusqu’à ce que je prenne du baclofène. J’ai commencé ma cure le 8 mars 2010 après avoir réussi à trouver un médecin prescripteur sur Bruxelles. Ma femme n’y croyait pas. Moi non plus. Pourtant, trois semaines plus tard, arrivé à 200 mg/jour, j’ai arrêté la codéine du jour au lendemain.
Certes, le baclofène supprime le craving mais il ne fait pas tout. A 38 ans, j’ai du faire un véritable réaménagement psychologique. Quand l’addiction s’arrête, on regarde dans le rétroviseur et on se rend compte du mal que l’on a fait durant toutes ces années.


Témoignages recueillis par Hervé Ratel
Sciences et Avenir
Février 2011




28/02/2011
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