Paranovni - Sciences Parallèles

Paranovni -  Sciences  Parallèles

Soldats génétiquement modifiés .

Cerveau

Un espoir pour canaliser la dépression


En supprimant chez des souris un gène* codant pour un canal ionique, des chercheurs ont fait disparaître les principaux symptômes associés à la dépression chez les rongeurs. L’espoir d’un nouveau traitement chez l’homme ?

Cela commence par un sentiment de tristesse qui inhibe peu à peu le goût pour toutes les activités quotidiennes : loisirs, travail, famille. Puis viennent des sautes d’humeur, des troubles du sommeil ou un manque de concentration. Autant de symptômes qui, s’ils se prolongent dans le temps, signent l’entrée en dépression. Une maladie à part entière, à distinguer des coups de cafard passagers, qui est due à l’interaction entre une prédisposition génétique et des facteurs environnementaux, comme le stress ou les traumatismes émotionnels. Associée à une forte baisse de l’estime de soi, elle touche 20 % des femmes et 11 % des hommes au moins une fois dans leur vie, conduisant parfois au suicide. Face à ce problème de société majeur, les médecins ne disposent que d’une classe de médicaments, découverte dans les années 1950. Ceux-ci agissent principalement en renforçant l’action, dans le cerveau, d’un neuromédiateur* appelé sérotonine, impliqué dans le contrôle des mouvements, la douleur, ou le cycle veille-sommeil. Problème : 20 % à 30 % des personnes at-teintes de dépression sont résistantes à ces traitements. De plus, la moitié des patients traités par antidépresseurs fait une rechute. Enfin, ces médicaments entraînent souvent des effets indésirables, comme des tremblements moteurs.

Une découverte récente, réalisée à l’Institut de pharmacologie moléculaire de Sophia-Antipolis, représente de ce fait un espoir important. Des chercheurs sont parvenus à fabriquer, pour la première fois, des souris résistantes aux symptômes associés à la dépression chez cet animal. Comment  ? « Pour obtenir cette lignée de souris, répond le directeur et fondateur de l’équipe de recherche, Michel Lazdunski, nous avons supprimé un gène codant pour un canal ionique, appelé Trek-1. »

Un canal ionique est une protéine* qui forme un « tunnel » à travers la membrane d’une cellule*, capable de faire transiter des particules chargées électriquement (appelées « ions »). Les canaux ioniques sont particulièrement importants dans les cellules du cerveau (les neurones). En effet, le minuscule courant électrique engendré par le passage des ions active ou inhibe les neurones, en fonction des charges transportées.

Dans le cas du canal Trek-1, également présent chez l’homme, les particules transportées sont des ions potassium, chargés positivement. Depuis sa découverte il y a dix ans dans ce même laboratoire, les chercheurs ont montré que ce canal ionique était impliqué dans plusieurs -types de processus cérébraux, en particulier dans la protection contre les accidents vasculaires cérébraux. Mais, en réalisant les batteries de tests comportementaux classiques pour identifier les antidépresseurs sur leurs souris dépourvues de Trek-1, les biologistes observent également un autre effet.

 

« Ces rongeurs placés dans des situations qui pour eux sont péril-leuses et stressantes, dans un bocal rempli d’eau par exemple, ont une capacité à se battre, donc à ne pas se résigner, très supérieure aux animaux possédant le gène codant pour le canal ionique, explique Michel Lazdunski. Cette résistance accrue face à l’adversité s’est confirmée au cours d’autres tests, également traditionnellement utilisés par l’industrie pharmaceutique pour évaluer les médicaments antidépresseurs. » Et de conclure : « Nos souris modifiées génétiquement se comportent exactement comme des souris traitées par des antidépresseurs comme le Prozac. » Au cours de leur étude, menée conjointement avec l’Institut de recherche du centre universitaire de santé McGill, à Montréal, les biologistes ont également réalisé des mesures de la concentration sanguine d’une hormone associée aux états dépressifs, la corticostérone, sur des souris placées dans une situation de stress. Résultat : les souris dépourvues du canal Trek-1 sécrètent nettement moins de corticostérone que les souris porteuses du canal. Enfin, les chercheurs ont tenté de comprendre quel processus biologique permettait au canal ionique de réguler l’humeur des souris. Pour cela, ils ont mesuré l’efficacité du circuit de la sérotonine, le neuro-médiateur sur lequel agissent habituellement les antidépresseurs, dans une région du cerveau impliquée dans la dépression : l’hippocampe. Résultat : chez des souris dépourvues de Trek-1, l’activité des neurones utilisant la sérotonine est augmentée, comme chez des souris auxquelles on aurait administré un antidépresseur comme le Prozac. « Le canal ionique fait donc partie d’un circuit de sécrétion et d’action de la sérotonine, constituant de ce fait une cible de choix pour de nouvelles molécules antidépressives », estime le chercheur. La mise au point de nouvelles classes de molécules antidépressives constitue un enjeu majeur. Elles pourraient être effi-caces sur des patients résistants aux traitements actuels. Mais aussi, associées à celles qui existe déjà, améliorer leur efficacité, ou en limiter les effets secondaires. La balle est maintenant dans le camp de l’industrie pharmaceutique, qui s’intéresse déjà au canal Trek-1. Avec un argument de poids : les antidépresseurs représentent un marché d’environ 10 milliards d’euros par an dans le monde  !



26/01/2010
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 36 autres membres