Un oeil embryonnaire conçu à partir de cellules souches
Des chercheurs ont réussi à recréer en laboratoire des cupules optiques, des yeux à l’état embryonnaire, à partir de cellules souches. La performance a été réalisée sans influence extérieure, laissant supposer que les cellules possèdent les capacités intrinsèques pour former l’organe. Disposant d’un tel tissu, les scientifiques espèrent réparer les yeux endommagés
Peut-on envisager la médecine du futur sans les cellules souches ? Difficilement, tant elles nous promettent des avancées considérables dans la régénération d’organes et de tissus défaillants ou lésés. Dernière découverte en date : l’annonce dans un quotidien japonais de la conception in vitro d’un foie humain miniature mais fonctionnel.
Le Pays du Soleil Levant est d’ailleurs à la pointe dans ce domaine. Les chercheurs nippons du Riken Center for Developmental Biology (CDB, à Kobé) se sont une nouvelle fois illustrés en devenant la première équipe au monde à faire croître un œil embryonnaire depuis des cellules souches. Les détails sont décrits dans la revue Cell Stem Cell.
Ces scientifiques avaient déjà travaillé à l’élaboration d’organes depuis les cellules souches embryonnaires chez la souris. Parmi leur tableau de chasse, le cortex cérébral, l’hypophyse ou des cupules optiques, une structure embryonnaire à l’origine de l’œil. Cette fois, ils ont tenté leur chance chez l’Homme et sont parvenus à un résultat encore plus impressionnant que chez le rongeur.
Une cupule optique qui prend forme toute seule
Le protocole utilisé pour les cellules souches embryonnaires humaines est, à peu de choses près, le même que celui chez la souris. Il a juste fallu adapter la méthode à la taille plus importante des tissus humains. En tout, 9.000 cellules ont été injectées. Dans les premiers temps, les différentes couches s’agencent de manière à former une boule de tissu épithélial. L’intérieur se creuse et les cellules forment finalement une cupule optique, avec une paroi externe qui correspond typiquement à l’épithélium rétinien, quand la paroi interne s’apparente aux photorécepteurs et l’ensemble des cellules qui relient l’œil au cerveau par le nerf optique (cellules ganglionnaires, cellules bipolaires).
Les cellules souches embryonnaires sont des cellules dites totipotentes. Elles ont la possibilité de se différencier en n’importe quelle cellule de l’organisme : rein, poumon, cerveau… mais aussi l’œil bien sûr. © National Science Foudnation, Wikipédia, DP
Le diamètre de cet œil embryonnaire atteint seulement les 550 µm, mais est malgré tout deux fois plus grand que chez la souris, avec un volume dix fois plus important. Autre différence : la présence de cellules photoréceptrices dites en cône, celles qui nous permettent de voir le monde en couleur.
Cependant, il existe un certain nombre de similitudes avec ce qui avait été observé chez les rongeurs, notamment le fait qu’à aucun moment, les cellules souches n’ont eu besoin d’un tuteur ou d’un guide pour prendre leur forme. Ainsi, les chercheurs montrent que la capacité d’un tissu à s’organiser dans l’espace est intrinsèque aux cellules.
Réparer les yeux abîmés avec des cellules souches embryonnaires
Cette performance permet d’espérer des applications cliniques dans les années qui viennent. L’idée de redonner la vue n’est pas nouvelle, que ce soit à base de cellules souches ou d’implants électroniques. Mais cela fonctionne avec un succès relatif et de sérieux dangers.
L’un des inconvénients des cellules souches concerne leur faculté à se diviser. Si les processus ne sont pas maîtrisés, elles peuvent former une tumeur, ce que l’on cherche à éviter à tout prix. Yoshiki Sasai, l’un des auteurs de ce travail, l’assure : ces cupules optiques sont pures et ne contiennent plus de cellules souches. Il serait donc possible d’implanter ces cellules sans risque de tumeur. Autre intérêt : il n’y a pas de risque que des cellules souches de l’œil se différencient de manière un peu isolée en un tissu complètement différent. Le scientifique japonais s’explique : « C’est comme lorsqu’on plante une pomme récupérée depuis un arbre. On ne s’attend pas à voir croître du fer. Il n’y a pas plus de raison de voir émerger un os depuis ces yeux ».
Masayo Takahashi, une ophtalmologiste du CDB, tente de transplanter ces cellules à des souris vivantes pour voir si la greffe arrive à prendre in vivo. Pour le moment, l’expérience n’a pas livré ses résultats. Elle espère pouvoir en faire de même avec des singes d’ici la fin de l’année.
Malgré tout, ce travail présente un défaut important. D’autres chercheurs ont tenté de reproduire l’expérience de Sasai chez la souris mais sans succès. Ainsi cette étude sur l’animal est difficilement reproductible et on peut se douter qu’il en va de même chez l’Homme. Où est-ce que ça coince ? Pas facile de répondre. Mais pour utiliser une telle découverte à grande échelle, nul doute qu’il faudra la capacité de générer suffisamment de tissu oculaire et inéluctablement impliquer plusieurs laboratoires.
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